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L'EFFET P A P I L L O N
Il y a toujours un combat quelque part. De le ressentir est une preuve d'existence, élan premier d'une résistance à notre fatigue moderne d'être là et de ne plus très bien savoir à quoi s'en tenir.
Les éléments de l'histoire, ceux qui nous accordaient prises et confortaient nos appuis pour lutter, tourbillonnent dans les bourrasques d'une fin de siècle, mimant un jour les prémisses d'un cataclysme et un autre, la rédemption d'un sursaut. Spectateurs universaux de nous-mémes, on a tout à voir et tout pour croire. De la mouise quotidienne aux illusions de demain, notre immunité existentielle a du mal à parader, tant individuellement que collectivement. Non pas qu'on soit incapable de générer des anticorps, mais activés dans le vide pour le seul besoin de la cause, ceux-ci butent sur la déliquescence des maux eux-mémes.
S'apitoyer sur le sort des autres, des autres qui sont dans des situations précaires, difficiles, c'est remplacer la rage par la compassion. S'étonner qu'ils puissent penser, parler, agir malgré leur situation, peut-être est-ce là une nouvelle forme de colonialisme. On épingle l'exclu comme un cas, sans voir les causes et effets de politiques qui l'excluent de son expression d'être humain. Il ne faut pas se tromper de combat. Ceux qui croient aider n'ont pas encore compris qu'ils peuvent se faire les complices d'une politique dont ils soignent les effets et gèrent les conséquences sans en avoir forcément conscience. Ils comblent des manques par de fausses réponses, entretenant par là de fausses ambitions. Cela est peut-être dû au fait qu'ils ne savent pas voir ce qui leur manque. Leur pitié leur suffit, ils feront toujours preuve d'une grande ignorance. |
Si le constat (politique, social, économique, écologique...) est clair, la prescription, étant donné l'ambivalence incontournable des enjeux, est impossible et l'évolution, imprévisible.
Mais voilà justement ce qui, en deçà de toute vision simpliste et salvatrice, nous invite à tenter d'autres expériences, à balbutier d'autres termes, à sortir le combat des voies convenues et vociférantes de l'époque, et à veiller à une humilité souterraine et active, susceptible de surprendre au moment opportun.
Si la tâche du monde actuel a tout pour être accablante, elle a pour nouveauté, après l'épuisement de ce siècle, d'avoir à se réinventer. Le geste qui nous revient d'avoir a la chance désormais d'être aussi divers que possible. Dans notre espoir, il est seulement guidé par la délicatesse de son intégrité avec l'opportunité qui le compose... histoire, déjà, de nous sortir du ravage de nos libertés opportunistes.
Du mouvement général supplantant notre espace-temps et la circonscription de notre combat, nul ne sait ce que notre existence de demain en tirera comme dignité humaine. Mais déjà l'expérience d'un peu de vérité vécue et partagée, en deçà d'opinions assenées, quel que soit le champ ou la niche d'action, peut avoir pour pertinence, non pas tant de contrer ce qui se passe que d'en attirer d'autres effets... Ce que les météorologues appellent l'effet papillon.