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Numéro 16
Le pouvoir des communiquants
Par Les Périphériques vous parlent, Marc’O |

Fasciste, vous avez dit fasciste ? Cet entretien a vu le jour à partir de deux interrogations. De quoi parle-t-on exactement quand on évoque le fascisme ? Sans doute d’une doctrine, celle que créa dans les années 20 Mussolini. Le régime fasciste du Condottiere, de plus fidèle allié d’Adolf Hitler Führer du Reich allemand, a dominé l’Italie durant les années trente et la plus grande partie de la Seconde Guerre mondiale jusqu’à la chute de la république de Salo en 44. C’est dans le contexte général de cette époque où régnaient quotidiennement les pires violences d’État que le terme de fasciste a fait florès. Fleur vénéneuse s’il en est, il a fini par désigner après guerre, à la fois toutes sortes d’idées et de comportements perçus généralement comme réactionnaires et une injure que des adversaires politiques se jettent au visage, chaque fois qu’il s’agit de contredire le camp opposé. Peu à peu cependant, un sens trouble se dégage de la parole fasciste, il désigne alors chez certains groupes et personnes une mentalité faite de résignation et de petites lâchetés qui fatalement favorisent, dès que la situation s’y prête, les violences d’un totalitarisme toujours aveugle.

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Extrait

(...) Marc’O : Ce qui caractérise le fascisme ordinaire, à première vue, c’est premièrement le rejet de l’autonomie des individus dans leur cadre de vie, deuxièmement l’affirmation de certitudes inébranlables, d’idées et de valeurs incontestables, troisièmement un sentiment de supériorité naturelle que l’on attribue à certains individus considérés comme supérieurs au nom d’un mépris sans failles pour les autres, les étrangers, le plus souvent perçus comme des idiots ou des barbares. Un autre aspect des choses pousse à saisir ce fascisme à travers un fond affectif malsain et souvent honteux qui habite de la manière la plus ordinaire au plein sens du mot la mentalité des gens résignés, aveugles à tout ce qui n’affecte pas directement leur sort. Comme je l’ai indiqué, ces gens ne se réclament pas directement de la doctrine de Mussolini. Leurs idées, leurs manières renvoient plutôt au pétainisme des collabos, à cette couche de français qui, à l’époque de l’occupation, ne voulaient rien voir ni savoir, rien espérer. On se trouve en l’occurrence devant un état d’esprit cotonneux de gens repliés sur des croyances étriquées souvent sordides, un état d’esprit qui de plus, je pense, a toujours existé et ceci bien des années avant que le mot fascisme ne voie le jour, un état d’esprit qui persistera sans doute encore durablement. En définitive, c’est cette mentalité, un ensemble d’idées et d’attitudes, que j’ai tout de suite envie de qualifier de fascisantes, même si elles se manifestent de façon notoirement différente selon les pays et les époques. À force d’en discuter, je crois que c’est là un sentiment que je partage avec beaucoup de gens. Pour résumer tout cela en une phrase lapidaire et paradoxale j’ajouterai : ce sont là des idées vieilles de naissance. (Quelques sourires). Vous souriez ? OK ! Vous ne pensez pas que des idées à peine nées peuvent déjà être vieilles ? Bien des idées paraissent neuves du simple fait qu’elles s’intègrent à la modernité ambiante ou plutôt aux modes du temps qui font "le dernier cri". De temps à autre, on voit apparaître ces personnages qui se veulent résolument in, mais que l’on a tout de suite envie de qualifier de futurs has been. Bon !, arrêtons de nous marrer. Tout ça n’est pas rigolo du tout. Aussi vide et nul, soit-il, ce fascisme rampant n’en continue pas moins de stagner dans les pensées, les discours lourdauds, non seulement de tous les réactionnaires, mais, il se tapit bien souvent dans les partis qui se vantent d’être les plus farouchement démocratiques. C’est cet état d’esprit, ce fond affectif, dans le mauvais sens du terme, qui empoisonne la vie sociale, embrouille la plupart des problèmes, empêche de percevoir correctement la réalité dans laquelle nous vivons et qui finalement conduit à désespérer de tout. (...)