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Numéro 14
Positions politiques et culturelles du Danmyé
Par Georges DRU, Manu ISSAC |

L’art martial danmyé n’est pas né de l’esclavage, il l’a traversé. Il constitue un des éléments d’une histoire secrète du peuple martiniquais opprimé.

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EXTRAIT

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DANMYE ET HISTOIRE CULTURELLE DE LA MARTINIQUE

Christopher Yggdre : Par rapport à l’interdiction de la musique et de la danse durant la période de l’esclavage, le danmyé a-t-il joué un rôle dans la lutte des esclaves, a-t-il eu un rôle structurant dans la lutte organisée des esclaves ?

Georges Dru [1] : On a pas de témoignage de danmyétés qui s’opposeraient aux armées coloniales ou esclavagistes. Mais les danses des esclaves et toutes les danses religieuses, profanes, liées au culte de la fécondité ou autre, ont été un élément d’unification extraordinaire. On séparait les familles, les peuples, les gens de même origine, mais ils trouvaient dans la religion qui est quelque choses de très intime un élément d’unification. Les danses religieuses que les européens ont appelé Kalenda - parce que cela leur rappelait les danses de la fécondité qui étaient pratiquées encore en Espagne ou bien qui avaient existé à l’époque de la Grèce ou de Rome -, étaient l’occasion de grands rassemblements. On avait beau interdire aux esclaves de danser les Kalenda, ils s’en allaient dans les clairières et dansaient, c’étaient des espaces d’intimité. C’est dans ces moments là que prenaient naissance les révoltes, qu’elles s’organisaient, parce que l’on parlait de dieu et qu’il redonnait confiance. Beaucoup de gens ne le savent pas mais la plupart des grands chefs de la révolte des esclaves dans la Caraïbe étaient des officiants : Toussaint Louverture était vaudouisant, celui qui a déclenché l’insurrection haïtienne, Boukman, était lui un officiant vaudou, beaucoup des leaders de révolte dans la caraïbe étaient des officiants des religions africaines. Voilà le rôle que vont jouer le damnyé et les danses liées aux cultes. Le vaudou était interdit parce que, pour l’administration coloniale, les rassemblements étaient dangereux, et qu’ils y voyaient là des moments de perdition. L’Eglise Catholique trouvait que c’étaient des danses de déshonneur et de lubricité. S’agissant de danses de la fécondité, elle voyait d’un très mauvais oeil l’exaltation des mouvements du bassin et des hanches.
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[1Président de l’association A.M.4. en Martinique (Association Mi Mès Manmay Matinik)