Productions
     ACCUEIL LES PERIPHERIQUES VOUS PARLENT RECHERCHER
         
Numéro 12
"Splendeurs et Misères du Football" (1ère partie)
Par Lilian THURAM, Yovan GILLES |
Imprimer

EXTRAIT

(...)
Les périphériques vous parlent : Après la victoire de la France en Coupe du Monde de Football, les médias ont largement propagé l’idée que cette victoire était aussi celle de "l’intégration". A cette époque vous nuanciez cependant cette interprétation en déclarant notamment dans un quotidien sportif que le mot "intégration" vous posait un problème. Pouvez-nous nous en dire plus à ce sujet ?

Lilian Thuram : Je pense que la plupart des gens ne font pas attention à l’utilisation du mot. Pour eux, "intégrer" représente quelque chose de positif alors que, pour moi, c’est tout le contraire. Cela veut dire quoi "intégrer" quand, justement, ceux à qui l’on demande de s’intégrer sont français ? Demander à des gens de s’intégrer revient à leur demander d’assimiler la culture française en oubliant leur propre culture : c’est alors l’assimilation qui, à mes yeux, n’est une richesse pour personne parce que c’est la diversité qui est la vraie richesse.

Mais il y a un double problème. Les jeunes qui sont français d’origine maghrébine ou africaine ont du mal à se considérer comme français. S’ils ont du mal, n’est-ce pas parce qu’on leur demande de s’intégrer ? Souvent le discours des politiques est le suivant : "Essayez de vous intégrer !". Mais, eux, ne sont-ils pas français ? Ils vont alors se dire : "si on me demande de m’intégrer, cela signifie que l’on ne me considère pas comme un français." Il se produit donc un décalage dans les discours. Par ailleurs, on s’enthousiasme : "regardez, nous étions tous ensemble à défiler sur les Champs Elysées !". Cela fait plaisir à tout le monde parce qu’au fonds, tout le monde veut se voiler la face. En parlant d’intégration on donne une orientation dont il est ensuite très difficile de prendre le contre-courant. Il est aisé d’affirmer que l’Equipe de France a gagné parce qu’elle est composée de joueurs de différentes origines. Mais il est malheureux d’avoir besoin d’une coupe du monde pour se dire que l’on pouvait faire quelque chose ensemble. Pour moi la chose la plus importante est le respect de chacun, or je ne pense pas que dans le mot intégration il y ait une place pour ce respect.
(...)