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Numéro 1
Jeunesse dangereuse
Par Christopher YGGDRE | Paru le février 1994
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« (...) leur nombre atteignait bien mille cinq cents. (...) Une émeute allait-elle avoir lieu ? Nullement. Samedi 17 avril, les adolescents cannois guettaient seulement les jeunes vedettes de Hélène et les garçons, le feuilleton quotidien de TF1 autour duquel s’agglutinent les jeunes de 8 à 20 ans. "Ils sont tellement beaux" s’émerveille Sophie, 14 ans. Gloussements ravis des copines, qui approuvent. "Surtout Sébastien, c’est le mieux." jette Cathy, 14 ans elle aussi. (...) Qu’a donc de particulier ce feuilleton ? "C’est vachement mieux que Le Miel et les abeilles qui passait avant.", assure Sophie. Quelle différence entre les deux feuilletons ? "Là, il y a plusieurs nanas et plusieurs garçons, c’est beaucoup mieux." explique Anita, treize ans. De quoi parlait le dernier épisode ? Des manœuvres de Bob qui voulait sortir avec Laly et de Johanna "cette folle" qui tente de "mettre ensemble" Sébastien et Laly. (...) Est-ce mal que les feuilletons n’aient aucun rapport avec la réalité ? Nullement. "On aime justement parce que ce n’est pas réaliste." (...) » (Le Monde, 20 avril 1993.)


LE NARCISSISME

Au commencement est le dialogue. Non, plus modestement : la possibilité du dialogue. Le verbe s’en suit.

La communication est le fondement de l’humain.

La langue est l’instrument de papa/maman pour élever bébé.

Quand papa/maman regarde bébé, il se contemple. Il s’extasie d’être bien là, dans ce futur qui n’est pourtant pas le leur.
Il colle alors bébé à leur mesure, narcissique...


Les « moins que zéro » débarquent de leur planète télé-show, de leur univers spectacle.., ces décharnés mentaux, malades du feuilleton, sont excités par l’idée qu’ils pourront entr’apercevoir leurs idoles. Idoles de la niaiserie et du confort.

Cet extrait d’article signifie l’acte de décès de quelques consciences adolescentes. Combien d’entre elles ont été, ainsi, vidées d’elles-mêmes ?

Nous ne le saurons sans doute jamais, car « on peut disparaître ici, sans même s’en apercevoir. »

Ils sont atteints de léthargie aiguë. Ils ne rêvent pas, ils n’agissent pas, suspendus entre le « Moi, je n’ai rien à dire. » et le « Faut pas pousser. » Ils ont été endormis à doses massives d’images-spectacle qui atteignent, ici, une décadence qui ne peut qu’annoncer leur fin prochaine.

Ils auront mal, très mal quand ils ne pourront rien faire d’autre qu’ouvrir les yeux sur le monde tel qu’il est, ils ne pourront plus, alors, contempler leurs niaiseries réconfortantes, ils devront apprendre à vivre.

Par ailleurs, la jeunesse qui aura appris à rêver et à agir par elle-même se sera depuis longtemps préparée à placer ses sens en alerte et à vivre au rythme des temps,... mais de ceux-ci personne ne veut encore entendre parler ; on préfère croire à une génération affaiblie et dégénérée.

« ...les rêveurs du jour sont des hommes dangereux, car ils peuvent agir leur rêve avec les yeux ouverts, pour le rendre possible » (T.E. Lawrence)