Productions
     ACCUEIL LES PERIPHERIQUES VOUS PARLENT RECHERCHER
         
Numéro 10
Tricentenaire Danmyé
Extraits de la brochure ASOU CHIMEN DANMYÉ
Imprimer

Dramatique danmyé de vie et de mort/
Que déjoue sans cesse l’errance du marronnage/
L’espace colonial quadrille la surface de l’île/
jusqu’à l’extrême pointe de la caravelle/
Pourchassant férocement les guerriers indomptables/
Vivifiés de l’esprit de force et de courage/
Transmis sans répit par le souffle rythmique/
De l’inflexible tambour Kokoyé/
Qui battant de lui-méme par-delà le temps/
Au cœur immortel du vibrant colibri/
Ouvre à l’in ni la ronde salvatrice/
Depuis le point-mitan de la rédemption/
Invisiblement croix-signé par la conscience/
Au centre de chacune des vaillantes cases nègres/
Dont la stratégie d’entraide en ses convois/
A délimité l’emplacement alterné/
En réponse à l’aliénante domination/
Du grand quadrillage blanc/
Et dans ce tricentenaire Damier culturel/
La vieille résistance populaire nègre/
Enracinée aux entrailles de la Guinée ancestrale/
Poursuit en cadence le tracé de la survie/
Jusqu’à faire école d’esprit de force et de courage/
Dans l’âme d’une jeunesse passionnée/
Qui redonne corps voix figure et devenir/
A l’angulaire mémoire collective de la nation.../ Presqu’île de la caravelle/
Fouettés par la cruelle vision/
Du ténébreux cachot/
Qui vainement enchaîna/
La lumineuse résistance de nos aïeux/
Est-il possible de découvrir impassibles/
Les vestiges d’un valeureux passé/
Trop longtemps inaccessible à la conscience/
Un mystérieux vertige s’empare de l’esprit/
Et l’âme des esclaves marronneurs/
Prisonnière de l’amnésie collective/
Interpelle chaque visiteur antillais/
Oui/
Le château Dubuc n’est plus que ruines/
Mais tout au fond de la baie du Trésor/
Dans le corps d’un vieux gallion/
Dix mille guinées d’or pur attendent encore/
Les dix mille rayons de soleil/
Qui révéleront enfin à la raison incrédule/
Les richesses angulaires cachées/
Dans le cœur naufragé de ce pays.../

Daniel Fatna

Richesses angulaires

Le danmyé est issu des masses travailleuses (esclaves puis ouvriers, paysans, employés, pêcheurs, artisans) qui lui ont donné leur empreinte. Sa maîtrise a toujours demandé un dur travail d’apprentissage et un entraînement régulier. Les fanfarons, les illusionnistes, les fainéants, les « badjolè » ont toujours été perçus étrangers à lawonn danmyé.

Aujourd’hui, le pratiquant danmyé sait que la vie facile n’est qu’une illusion, que les choses et l’homme lui-même se réalisent dans l’effort, que la société martiniquaise ne peut s’épanouir que dans le travail et que « l’oisiveté (même rémunérée) est la mère de tous les vices ».

Le danmyé surmonte peu à peu le déshonneur dans lequel l’avait précipité le folklo-doudouisme qui le réduisait à quelques exhibitions acrobatiques sur podium ; il évite le piège du traditionalisme qui voudrait l’enfermer dans la nostalgie du passé et le figer dans le refus de toute évolution ; il se lave de l’opprobre qu’avaient jeté sur lui mulâtres, Église et administration, résiste aux vieux préjugés racistes (bagay djendjen, bagay vyé nèg) et affronte certains préjugés plus récents (bagay ki ja pasé) qui sous-estiment ses potentialités et son actualité.

Aujourd’hui, il faut consolider les acquis et travailler à un plus grand essor et une plus large implantation du danmyé. Pour cela, il faut poursuivre et approfondir la codification et la réglementation, utiliser tous les créneaux possibles pour faire connaître et enseigner le danmyé, rassembler toutes les forces existantes, obtenir la reconnaissance la plus large possible.

Les jeunes pratiquants d’aujourd’hui constituent la génération charnière, celle qui a entre ses mains l’avenir danmyé.

Il s’agit aujourd’hui non pas de constituer le danmyé en art martial, ce qu’il a toujours été, mais de renégocier ses conditions d’existence en fonction des changements intervenus sur le plan économico-social et sur le plan des mentalités.

Liberté et responsabilité

La liberté, c’est le pouvoir de faire ses propres choix. La responsabilité, c’est envisager toutes les conséquences de ses décisions et actes et les assumer.

Nous savons qu’entrer dans la « wonn » était un acte que marquait le majò. C’est lui seul qui décidait. Et il devait assumer toutes les conséquences de cet acte. Aujourd’hui, le pratiquant danmyé sait que le monde a besoin de démocratie véritable et du respect des droits de l’homme, que les peuples aspirent à choisir leur avenir, que notre pays a soif de responsabilité et de vie nationale.

La nécessité de créer et d’édifier une organisation martiniquaise de Danmyé

- Une organisation qui puisse permettre au danmyé d’affirmer sa personnalité, et de reprendre son autonomie par rapport aux autres éléments culturels et notamment par rapport à la danse.

- Une organisation qui puisse permettre au danmyé de se dégager des conceptions et des pratiques qui le falsifient et/ou le vouent à l’insignifiance (folklo-doudouisme, traditionalisme, « modernite », « sloganite », mercantilisme).

- Une organisation qui puisse permettre de prendre efficacement le contre-pied des préjugés répandus « bagay vyé nèg, bagay djendjen, bagay ki ja pasé » et créer un contrepoids psychologique et idéologique.

- Une organisation qui puisse permettre de fédérer tous les styles et de rassembler toutes les bonnes volontés (les pratiquants, les administratifs, les chercheurs, les diffuseurs, les utilisateurs divers, pédagogues, thérapeutes... ) désirant œuvrer pour le renouveau du danmyé, de dépasser ainsi le stade de simple activité d’une ou de plusieurs associations.

- Une organisation qui puisse permettre de favoriser la reconnaissance administrative du danmyé, son intégration dans le circuit sportif.

- Une organisation qui puisse prendre en main et unifier la formation (apprentissage-transmission, évaluation), organiser et unifier l’utilisation des espaces de vie.

Pour faire avancer cette stratégie, des jeunes et des Anciens regroupés dans Lékol Danmyé AM4 développent, depuis dix ans déjà, un travail et des expériences multiples en vue de :

- la codification et l’enrichissement des principes et techniques du chant, de la musique, du combat danmyé,
- la systématisation de la philosophie danmyé,
- la mise au point d’une pédagogie adaptée,
- l’élaboration de règles de combat et de sécurité,
- la mise au point et la propagation des symboles de l’activité,
- l’organisation des espaces de vie,
- le rassemblement des pratiquants,
- la formation de cadres à même de prendre en main l’avenir du danmyé