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Numéro 7
Edito
Par Les Périphériques vous parlent |

Les 22, 23 et 24 novembre 1996 s’est tenue à Paris, à la Salle Polyvalente de la Roquette du 10ème arrondissement, la manifestation “Cum Petere - chercher ensemble - pour des États du Devenir” [1], projet qui avait été présenté dans les deux derniers numéros du journal, en particulier dans le numéro « invitation » (n° 6) grand format.

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Des associations, des collectifs, des groupes et des individus de tous âges, de toutes conditions sociales, représentatifs de nombreux secteurs d’activités ou professions étaient présents à cette rencontre : des agriculteurs, intellectuels, étudiants, rappers, travailleurs sociaux, syndicalistes, enseignants, psychiatres et personnels soignants, chercheurs, responsables de formation, chômeurs, précaires, économistes, plasticiens, éducateurs et bien d’autres ont participé aux débats en assemblée générale, aux travaux des tables, de même qu’aux soirées consacrées à la musique et à la théâtralité. Au regard des inscriptions, plus de mille personnes ont participé de près ou de loin à ces trois journées. À notre étonnement, plus de la moitié des participants avaient fait le déplacement de province, et même de l’étranger : Allemagne, Autriche, Écosse, Belgique, Italie, Suisse. Hormis le nombre important de « visiteurs », les assemblées générales, alternant avec des séances de travail en petits groupes, ont réuni en moyenne entre 250 et 350 personnes ; entre 400 et 600 personnes étaient présentes lors des soirées consacrées à l’artistique.

La question de l’organisation n’a cessé d’être au cœur des débats, notamment à travers cette idée que l’invention de pratiques de débats démocratiques ne pouvait être simplement l’effet de la bonne volonté des « prétendants citoyens », mais devait être assumée par l’ensemble des participants. Des questions nous ont accompagnés tout au long de la rencontre :

- Comment s’organiser dans le cadre d’un débat public sans s’appuyer sur une organisation préalable planifiant la prise de parole ?

- Comment des expressions citoyennes peuvent-elles se manifester dès lors que l’ordre du discours magistral n’impose plus son hégémonie ? À ce titre, le terme culture de l’émergence s’est imposé à l’ensemble des participants comme particulièrement susceptible de produire un type d’expression approprié à l’activité des citoyens.

- Enfin la question comment faire mouvement ? a été préférée à cette visée souvent bien velléitaire qui consiste à engager les foules « à faire un mouvement », les participants se préoccupant plutôt d’éviter de se lancer sur les terrains de « la politique normalisée actuelle », de créer une structure de plus (avec les mêmes auxiliaires de pouvoir) et des projets de fondation ou de refondation de partis ou de mouvements.

Afin de faire écho à cette rencontre et aux propositions qu’elle a suscitées, et ceci pour être tout à fait cohérents avec notre exigence de faire de ce journal également un instrument d’accompagnement de projets, nous avons décidé de lui consacrer ce numéro. Il s’adresse aussi bien à ceux qui y ont participé qu’à ceux qui n’y étaient pas. Il est le fruit d’un travail à partir du déroulement de la manifestation elle-même, de la transcription des débats enregistrés, des traces écrites recueillies dans les Cahiers du Devenir [2], auxquelles s’ajoutent des articles de fond écrits à la suite.

Notre option a été de travailler sur la matière brute des bandes enregistrées et des Cahiers en évitant de présenter cette prospection sous la forme de compte-rendu ou de textes de synthèse, ce qui à nos yeux est totalement impossible, de tels raccourcis n’aboutissant qu’à mieux faire l’impasse sur la créativité individuelle et collective. Nous avons préféré prospecter le sujet à notre manière, en choisissant les passages qui nous semblaient les plus significatifs afin, d’une part, de les proposer aux jugements de nos lecteurs et, d’autre part, pour en faire une matière à réflexion et à action. Nous ne voulons donc pas, en l’occurrence, prétendre à l’objectivité. Nécessairement, c’est une série de propositions, de points de vue, de regards forcément lacunaires qui sont présentés dans ce numéro. Il est bien possible que nos choix n’auraient pas été acceptés par d’autres. Nous tenons à la disposition de ceux qui désirent la copie des transcriptions des bandes dans leur intégralité [3]. Notons encore que les extraits des débats sont placés dans l’ordre chronologique.

Différents articles accompagnent et ponctuent la relation de ces trois journées. L’article de Marc’O relate le déroulement de la manifestation du point de vue de l’organisation et apporte des réflexions et des propositions susceptibles de donner un contenu au devenir citoyen. Il nous a semblé important de considérer cet article de fond comme un « cahier spécial ». Une contribution d’Yves Renoux donne le point de vue d’un participant. Deux articles, l’un de Yovan Gilles, l’autre d’un groupe de plasticiens relatent certaines démarches artistiques qui se sont manifestées à cette occasion, que ce soit à travers la théâtralité, la musique ou les arts plastiques.

Par ailleurs, tous les « nœuds » (les encarts noirs qui traversent le journal) sous forme de questions sont tirés de la Banque de Questions des États du Devenir. Ce dispositif a été proposé par François Deck, on en trouvera une présentation dans les extraits des bandes. Là aussi, nous avons pris le parti d’en retenir quelques-unes sur plus d’une centaine [4].

Le prochain numéro

Le projet des États du Devenir ne saurait bien évidemment se résumer à ces trois jours : c’est un projet à construire ensemble et dont les développements futurs résident dans la diversité des démarches en cours mises en œuvre par tous ceux qui, aujourd’hui, font mouvement.

Le prochain numéro (n° 8) sera complémentaire de celui-ci. Il mettra l’accent sur les « hors-champ » de cette rencontre : ses continuités, les projets, les démarches qu’elle a générés, les résonances qui lui donnent voix. Notons, entre autres qu’on y trouvera :

- une relation à propos d’un séminaire en cours sur l’expérimentation de nouvelles formes d’organisations, démarche initiée par le Laboratoire d’études pratiques sur le Changement, Isabelle Stengers et Grégoire Wallenborn de l’atelier d’expérimentation de philosophie de Bruxelles,

- le projet à vocation mondiale des « Fora des villages du monde » sur initiative de Riccardo Petrella du Groupe de Lisbonne avec le Forum Civique Européen et Les Périphériques vous parlent. Une première rencontre aura lieu cet été en Provence,

- un projet d’installation collective dans les campagnes avec l’Association Rhizome,

- un article de Javier Elorriaga, responsable du FZLN, écrit à l’occasion de sa venue en France en novembre 1996 pour parler de la rébellion zapatiste au Chiapas,
une interview de Didier Livio sur la transformation de l’entreprise,

- une interview de Bekotto, chanteur du groupe malgache Mahaleo, engagé aux côtés des paysans sans terre,
d’autres articles...

[1À l’initiative de la rédaction des Périphériques vous parlent, de Génération Chaos, du Laboratoire d’études pratiques sur le Changement, avec Agnès b. Parrainée par Le Forum Civique Européen, ICARE, la Maison Grenelle, le MAUSS, le Monde Diplomatique, le SNESup FSU, l’Université de Paris 8 Saint-Denis.

[2Tout au long des États du Devenir des cahiers ont circulé. Annotés par de nombreuses mains, ils devaient témoigner des discussions des différentes tables, notamment pour permettre dans les temps de pause aux autres tables de prendre connaissance du contenu des discussions. À la fin des trois jours, nous nous sommes trouvés avec une dizaine de cahiers correspondant aux différents espaces. La prise de notes est nécessairement partielle et ne peut rendre compte de la diversité et de la richesse des débats qui se sont déroulés à chaque table. De plus, d’une table à l’autre, selon les circonstances, l’assiduité à la prise de notes a énormément variée. Nous avons tenu à extraire de chacun d’entre eux quelques phrases, des réflexions, pour donner une idée même incomplète du contenu des cahiers et, surtout, pour donner un aperçu de la spécificité de chaque groupe.

[3Vous pouvez demander la photocopie des transcriptions en vous adressant à la rédaction (participation aux frais : 50 F.

[4Toute la banque est disponible sur disquette ou sur papier. Renseignement auprès de la rédaction