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Numéro 4
Mise en jeu de la philosophie
Par C. C. fréquente le Lycée Voltaire, à Paris |

L’Université d’Urgence est née par surprise et accompagnée d’un étrange sentiment de nécessité de la part de ceux et celles qui découvraient les mots pour le dire. Que ces mots aient produit une « charte » n’a rien d’un hasard. Car une charte ne définit pas le contenu d’un, projet, mais les contraintes acceptées et voulues par ceux qui s’inscrivent dans ce projet. (Voir aussi l’article Prélude à une philosophie en acte pour des philosophes debout)

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Je crois très important que la charte de l’Université d’Urgence ne puisse, en aucun cas, être confondue avec la description d’un possible idéal, qu’il resterait à accomplir. Le problème dont elle ouvre l’espace n’a pas de solution modèle. Il exige et il oblige. Il exige de ceux qui y participent qu’ils cessent de se réfugier derrière leurs bonnes intentions, derrière le sentiment que ce qu’ils ont à transmettre est en soi-même digne d’être transmis, ou au contraire derrière la croyance que le savoir à transmettre n’est jamais que le prétexte pour l’apprentissage de « compétences » plus générales, que ce savoir « illustrerait ». Ce qui signifie qu’il oblige à ce que le savoir transmis ne soit pas « interprété » : comme valable en soi, ou comme simple voie d’accès. Il oblige à ce que la question de la transmission-production ne soit pas évacuée, et avec elle la question du « devenir acteur » dans un monde qui vous précède, qui ne vous a pas attendu, et qui pourtant n’a d’autre avenir que celui que vous serez capables de construire.

Le problème de l’Université d’Urgence est donc une facette singulière du problème de la construction d’un présent qui ait un avenir. Il s’agit à la fois de ne pas confondre la facette avec le tout, et de ne pas oublier que c’est une facette, qui n’a de sens qu’à inscrire son caractère partiel dans la multiplicité des autres.

C’est pourquoi il était intéressant de reprendre à son sujet un mot ancien, connoté, et dans une large mesure compromis et périmé comme « université ». L’université que nous connaissons est récente, elle ne ressemble pas du tout à celle du siècle passé, qui ne ressemble pas à la structure moribonde du 18ème siècle, qui à son tour n’a rien à voir avec le site médiéval. L’université est un bon analogue de la question de la transmission : elle a pour identité les espoirs, les luttes, les déceptions, les exclusions, les haines dont il s’agit de créer et d’agir l’héritage.

C’est pourquoi, aussi, il est très important que la charte de l’Université d’Urgence appelle à une auto-institution des cours-ateliers-laboratoires et sans modèle ni mode de fonctionnement unifié. Il ne s’agit donc pas d’un « organisme » doué de sa propre loi de fonctionnement, qui le séparerait des autres lieux où se construit l’avenir mais d’un être qui se veut fractal, capable de surgir n’importe où, au plus proche de toute autre initiative, dès lors que celle-ci se vit comme capable de contribuer à la question de la transmission-production de savoir. Il s’agit de l’autoproduction d’un être à facettes aussi multiples que l’ensemble à l’intérieur duquel elle s’inscrit, sans extérieur prédéfini, et auquel la charte prescrit un régime d’existence expérimental : pas d’épreuve ou de sélection pour appartenir à l’Université d’Urgence, mais le défi d’avoir à accepter ce que tous les autres produisent en tant que faisant partie de son propre présent.

L’atelier de philosophie, créé à Bruxelles, a été constitué en tant que partie prenante de l’Université d’Urgence par un collectif comprenant des étudiants, chercheurs et enseignants de l’Université de Bruxelles, mais aussi d’autres personnes intéressées à la pratique d’une pensée qui s’inscrirait, d’une manière ou d’une autre dans l’héritage de la philosophie.

Cet atelier vise un fonctionnement à long terme, et se doit d’être capable de ne pas se refermer sur le « noyau » des premiers participants.


LES MAUX DES MEILLEURS

"À quoi travaillez-vous ?", demanda-t-on à Monsieur K. Monsieur K. répondit : "J’ai beaucoup de mal, je prépare ma prochaine erreur."

(Bertolt Brecht : Histoires d’Almanach)