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Numéro 18
Edito
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Toute vérité, surtout d’actualité, n’est que de passage, un reflet dans un œil d’or. Si l’apparence est trompeuse, la tromperie, elle, n’est pas qu’apparente.

Dans un communiqué diffusé il y a plus de deux mois, Al Qaïda affirmait qu’il n’y aurait aucun attentat de commis sur le sol américain avant les élections présidentielles, qui risquerait de compromettre les chances de Georges Bush d’accéder à une deuxième investiture. Par son "imbécillité" et son entêtement à foncer tête basse dans le leurre que lui tend la nébuleuse, cette dernière avouait que son ennemi mortel est au final son allié objectif dans la course à la catastrophe. Cette tournure de pensée n’a pas été commentée, alors qu’elle en dit long sur la situation que nous traversons.

Comme le remarque Edouard Glissant, "on ne conçoit pas suffisamment que les nombreux conflits qui opposèrent les trois spiritualités monothéistes apparues autour du bassin méditerranéen sous la forme des religions hébraïque, musulmane et chrétienne, tiennent à leurs similitudes ; ne serait-ce que leur ancêtre commun : Abraham, dont la dévotion au Dieu unique et jaloux a produit des mystiques radieuses ou désastreuses chez toutes."

L’effet indicible du terrorisme de masse depuis septembre 2001 a été dissuasif. La conséquence en est un resserrement des sociétés, à la merci de la peur, autour des valeurs les plus réactionnaires, opposant à la spirale de l’horreur sans visage la domination de la paix impériale.

Pendant ce temps en France, l’affaire du voile et la stigmatisation des colifichets médiévaux jouait son rôle d’écran voilant la réalité d’une guerre au social aux conséquences autrement plus redoutables pour le devenir des démocraties.

C’est que l’anéantissement de la pensée par les certitudes et les déclarations d’autorité des catéchumènes affiliés obscurcissent sans doute la réelle portée des événements eux-mêmes.

Pendant ce temps, la télé-réalité fabriquant des étoiles mortes, distille le catéchisme non moins comminatoire d’une économie de marché qui veut apparaître comme le seul rempart à la barbarie.

La confusion sciemment entretenue qui consiste à identifier démocratie et société d’économie de marché alimente une vision où l’économie est la raison formatrice du social. Mais le marché de la foi en pleine expansion ne garantit pas que Dieu échappera, lui aussi, au sort des ressources capitalisables dans un monde où les signes ostensifs religieux le disputent aux signes incantatoires des marques et des status symboles. Le Meka cola postule à remplacer le Coca-cola, le signe a beau se travestir, la boisson, elle, reste la même potion commune à tous les clients du marché-monde dont le commun devenir tend vers la surcharge pondérale.

Alors, en sacrilèges avisés, nous nous en remettons à la jubilation du sens, du non-sens, des sens cherchant ailleurs que dans les fausses oppositions frontales, la fondation d’une perception autre de la réalité, inaperçue, oblique, préférant aux sourires de dentistes la posture à la fois fiévreuse et distanciée d’une antistar comme Bulle Ogier (en couverture) qui, dans les Idoles de Marc’O, semble regarder la terre vue de la lune.

La rédaction