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Numéro 19
Edito
Par Les Périphériques vous parlent |
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Depuis le référendum, les Français louvoient dans l’attente des conséquences réelles du vote du 29 mai 2005. Une chose est claire : l’apocalypse non ne semble guère avoir été suivie d’effets à la mesure des espoirs placés en elle. Depuis, le pays n’a récolté qu’un énième plan de lutte contre le chômage, qui tourne depuis plus de vingt ans à la rumination obsessive et impuissante.

La situation ubuesque qui se joue a de quoi susciter l’incrédulité publique, sinon pis. Les errements de politiques empêtrés dans des contradictions inextricables (choisir entre un libéralisme social ou un social-libéralisme), virent à des mensonges à tombeau ouvert. Ils servent tout au plus à gagner du temps pour préparer au mieux la prochaine élection au fil de promesses non-tenues ou intenables.

Quoi qu’il en soit, l’idéologisation de la valeur travail qui a repris du poil de la bête depuis quelques années dans le pays, place d’ores et maintenant au cœur des débats le sort de ce qu’on appelle "la dépense sociale". Locution douteuse qui laisse supposer que les droits à un revenu et à des prérogatives qui protègent de la précarité et ont vocation à limiter la montée des inégalités, figureraient au titre de "charges" qui pèsent sur la compétitivité et la santé de l’économie. Selon cette vue tout bonnement économiste, le "social" rimerait avec l’allocation improductive de la richesse produite par les entreprises. On entend dénoncer l’assistance dans lequel l’état providence maintient les plus vulnérables et tolère l’inactivité d’une fraction de la population. C’est à oublier que les entreprises, les soi-disant "forces vives du pays", sont les premières à capter l’argent public par tout un système de subventions, de marchés publics juteux et d’allégements fiscaux complaisants.

L’exhortation au plein emploi, cette utopie des temps déboussolés, mène à l’acceptation docile du travail de merde - du fuck job - au nom d’un devoir d’employabilité qui remplace peu à peu le droit au travail. Cette manière de voir voue chacun à être une ressource humaine au service de la guerre économique mondiale ne reconnaissant aux êtres humains que le droit de participer à une croissance qui n’a d’autre sens que de gonfler la bulle financière.

Dans cette voie, les assauts du modèle anglo-saxon, pour la restauration du plein-emploi par le recours systématique à la déqualification du travail, se font de plus en plus pressants et il faudra sans doute y répondre. Mais cela suffira-t-il pour autant à construire une alternative, à nous conduire à une détonation politique, à un changement de ton dans la manière de faire de la politique autant qu’à la fondation d’une autre politique ?

L’enjeu en est, aujourd’hui, un certain nombre de mises en questions à rebours dont le pays ne peut plus faire l’économie. Entre autres choses :

- soustraire la notion de richesse à l’évaluation des seuls indicateurs économiques afin de parvenir, en France et en Europe, à une conception du "bien commun" et de l’intérêt réciproque déliés du seul capital.
- s’engager sur le long terme pour la mise en œuvre d’une société pluridimensionnelle qui repose sur la reconnaissance de manières plurielles de produire et de travailler dans le contexte de la société postindustrielle et postsalariale.
- délégitimer les objectifs de croissance, de compétitivité, au regard des pollutions ambiantales et des cataclysmes climatiques qui hypothèquent, non seulement l’idée de "développement", mais le devenir de l’humanité toute entière, ceci à l’échelle du seul XXIe siècle.

Et bien d’autres questions en suspens, sans doute, dans un monde en sursis, au propre comme au figuré.

La rédaction