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Numéro 25
Édito
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À l’époque des communicants - apostrophons-là ainsi - la politique apparaît de plus en plus comme l’art habile et veule qui consiste à mettre en scène, tantôt la puissance présumée, tantôt l’impuissance avérée de ceux qui gouvernent. Puissance dès qu’il s’agit de faire valoir des réformes, impuissance quand on veut signifier qu’il n’y a pas d’autres solutions aux problèmes que celles que l’on préconise. L’usage du mensonge et de la dissimulation en politique n’est bien évidemment pas nouveau. Mais ce qui s’affirme de plus en plus aujourd’hui, c’est l’absorption du discours politique par l’univers de la communication et ses techniques de marketing, privilégiant le psycho-affectif au détriment de l’argumentation reposant sur l’examen des faits, faits dont la réalité s’avère de plus en plus difficile à établir.

Le recours pragmatique au mensonge est aujourd’hui banalisé dans les esprits, dès lors que la politique est envisagée sous l’angle obtus d’une stratégie de communication, visant à produire des effets de vérité, essentiellement utiles à la conquête ou à la conservation du pouvoir. La communication vise à produire des effets sur l’opinion, conformément à des objectifs avalisés, en dépit de la fausseté ou de la véridicité des objets sur lesquels on prétend justement communiquer. Et c’est pour ces raisons que ceux qui gouvernent tirent souvent parti de situations qui ne sont pourtant pas à leur avantage, et que le mécontentement de tous ceux que l’on abuse pèse peu sur le cours des événements, si on songe entre autres à la question brûlante du pouvoir d’achat, qui suscite plus de commisération que de révolte. Quant au débat politique, il persifle, procédant à un commerce d’idées pliées à des simplifications désappointantes, chatouillées par des indicateurs d’humeur oscillant entre un pour et un contre de sondeur de surface.

Sur le fond, beaucoup s’interrogent aujourd’hui : à qui profitent les réformes en cours à l’heure où l’on proclame la faillite de l’état providence surendetté ? Une seule certitude : on prélève l’argent là où il n’est déjà plus (chez les moins munis qui auraient de plus bénéficié trop longtemps de largesses), compte tenu qu’il est définitivement acquis qu’on ne saurait aller le chercher là où il est. Dans le même temps, les critères de valorisation sociale tendent à se confondre avec ceux de l’efficience économique, de moins en moins compatible avec les exigences pour le moins bâillonnées de justice sociale.

Voilà précisé le contexte dans lequel paraît ce numéro qui se propose d’approfondir un certain nombre de questions persistantes au cœur des débats publics actuels avec le recul imparti à une revue : Roger Lenglet propose d’habiliter la notion d’indignation au plan de la philosophie politique, à une époque où le médiatique orchestre la noyade des sensibilités, en chevillant ces dernières au culte de l’immédiat. Les entretiens - en résonance -, avec Monique et Michel Pinçon-Charlot d’une part et Gérard Mauger d’autre part, tentent de démêler les rapports à la fois historiques et contemporains entre les recompositions et les désagrégations urbaines et la condition des classes populaires, des faubourgs de jadis au phénomène des banlieues aujourd’hui. Marc’O fait état de la liquéfaction d’une communication médiatique reposant sur le phatique, dans un monde dessaisi de l’idée du devenir. Au plan de l’écologie politique, Jean-Luc Ménard propose des solutions resituant l’économie générale dans les limites et les critères susceptibles de circonscrire un développement vivable au regard des problèmes que l’humanité doit affronter pour assurer sa survie. André Gorz esquisse l’horizon d’une société post-salariale découlant des impasses du capitalisme, à l’heure de la revalorisation du travail labeur propagée à travers des formules aussi désopilantes que revanchardes. Enfin, au plan de l’art et de l’esthétique, Yovan Gilles quant à lui s’interroge, à partir des possibilités offertes par le travail d’Ivan Slater, sur le statut de l’œuvre d’art, dans un contexte où l’art contemporain redouble le fétichisme de la marchandise par le fétichisme de la forme.

La rédaction