Les périphériques vous parlent N° 0
AVRIL 1993
p. 13-14

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Fac off 

Apprendre à découvrir ses intérêts fondamentaux, ses désirs, ses buts de vie, réussir à comprendre que l'on travaille pour soi, en cela réside l'acte préliminaire, primaire de toute connaissance vivante.

Au lycée, l'exercice de la connaissance est imposé. Le lycée est obligatoire, les horaires de présence, les matières à étudier prescrites et un minimum de résultat exigé.

Relativement à cela, l'université fait brutalement figure de lieu libéral. On y est soudain libre de choisir la matière que l'on veut étudier, de choisir ses horaires, et même ses professeurs.

Le problème demeure que les études semblent tout aussi contraignantes aux étudiants qu'au lycée.

Que cherche l'étudiant errant dans les couloirs, toujours semblable, quel que soit son âge ou son niveau d'études, à ce qu'il fut au moment où il pénétra pour la première fois dans l'université ? Il cherche une bienveillante autorité, cette autorité qu'il condamnait au lycée mais dont il souhaite maintenant qu'elle lui dise ce qu'elle ne lui a jamais dit, soit : comment être libre, comment exercer cette liberté ? Comment s'y prendre, aussi, pour ne plus avoir besoin de demander : comment faire pour être autonome ? Il a beau chercher auprès des professeurs, chercher au sein de l'administration, on le renvoie toujours ailleurs et à plus tard, lorsqu'il aura déniché un poste de travail.

Il se demanda, d'abord : quels buts je donne à ma vie ? Ensuite seulement, il se posa la question : quels objectifs je donne à mes études ?
Puis : l'université étant ce qu'elle est, que puis-je attendre de l'université ?

Au lycée, en famille, on n'a certes pas manqué de lui glisser à l'oreille cette bienveillante remarque : « Tu sais, si tu travailles mal, ce n'est pas moi qui en pâtirais. C'est pour toi que tu apprends. » Mais apprendre quoi et pourquoi ?

Apprendre à étudier en fonction de son intérêt, c'est justement cela qui ne va pas de soi. C'est même ce qu'il y a de plus difficile à comprendre, à apprendre.

Le lycée a-t-il jamais encouragé une activité au sein de laquelle les élèves auraient pu chercher leurs buts de vie, par exemple ? Un espace dans lequel ils se seraient posé le problème du rôle à jouer dans un monde aujourd'hui en pleine mutation ?

Et voilà le lycéen soudain devenu étudiant astreint brutalement à choisir, vite fait, une profession qui engage sa vie entière. Et de plus cette profession, les études qu'il va poursuivre ne lui en donnent une idée somme toute que très sommaire. Souvent il ne perçoit pas du tout ce qu'il apprend, pourquoi il doit l'apprendre.

Or, s'il comprend mal ce qu'il apprend, qu'il ne voit pas où les connaissances qu'on lui enseigne, le mènent, « l'étudiant » n'étudie pas. Il n'est pas un étudiant, tout juste, un citoyen de deuxième zone en attente de travail. Il étudie seulement pour meubler cette attente d'un travail hypothétique. Jamais, il ne jouira de cette liberté universitaire, tant rêvée au lycée, touchant à l'acte de connaissance. Il végète en espérant mieux. Apprendre à découvrir ses intérêts fondamentaux, ses désirs, ses buts de vie, réussir à comprendre que l'on travaille pour soi, en cela réside l'acte préliminaire, primaire de toute connaissance vivante. Voilà, une exigence majeure pour l'étudiant.

Et voilà, en quoi un journal peut aider l'étudiant. En l'engageant à la réflexion. Une réflexion qui concerne directement sa vie, et en premier lieu, sa vie à l'université.

Quand on entend dire un peu partout que les individus sont amènes, aujourd'hui, à un nouveau type de production et d'activité en fonction des exigences de l'époque, il ne faut sans doute pas entendre par là qu'il existerait maintenant des normes de production nouvelles, normes que l'université aurait à inculquer aux étudiants. Les choses sont beaucoup plus complexes que cela. La vérité, c'est que nous vivons une mutation industrielle qui engage chaque individu, chaque groupe à des choix et des désirs bien différents de ceux du monde finissant, ce monde que la crise est en train d'abattre.

Ainsi, sur ce plan, tout individu soucieux d'être en accord avec les changements qui bouleversent l'époque devra-t-il, au préalable, s'interroger sur ses propres manques, en particulier le manque de désirs réellement motivants. Chacun, d'ailleurs, peut-il connaître les manques et besoins fondamentaux de l'époque autrement qu'en cherchant d'abord à savoir quels sont réellement ses désirs fondamentaux ? C'est sur ce chemin qu'un journal peut s'avérer utile, en luttant profitablement pour les étudiants, autant d'ailleurs que pour les professeurs.

Pour apprendre à apprendre, il commença par renoncer à apprendre à travers sa manière habituelle d'apprendre. En premier lieu, il commença par désapprendre à donner un sens absolu à toute question qu'il se posait.
Il apprit à relativiser.

L'époque n'existe pas en dehors de ceux qui la font. « Faire de bonnes études » signifie pouvoir, entre autres, parvenir à des objectifs qui soient les objectifs que chacun a appris à discerner en lui. Faire de bonnes études ne doit pas être un jeu de loto.

Autre chose dont ce journal pourrait nous parler, c'est de nos désirs fondamentaux ensevelis sous les désespoirs, les individualismes ou un altruisme de pacotilles, empruntant aux effets de mode de l'heure. Oui, vraiment, il ne reste d'autre alternative à l'étudiant que de prendre en charge son destin ou de subir des temps qui, on peut le constater chaque jour, ne font pas de cadeaux.

Apprendre à parler en notre nom, au nom de nos désirs, c'est à cela qu'il nous faut aujourd'hui nous former. C'est une exigence, un combat, une demande à adresser à l'université. Sans doute un journal, ni dix, ni cent, d'ailleurs, ne sauraient résoudre de pareils problèmes de société, mais un journal peut toujours attirer l'attention et au mieux donner l'éveil ou susciter la réflexion. Ce serait déjà là un beau résultat.

Jérémie Piolat


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Les périphériques vous parlent, dernière mise à jour le 23 avril 03 par TMTM
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