Les périphériques vous parlent N° 5
été 1996
p. 21

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Citoyen français et citoyen en France

La « France française » n'a jamais existé. Être Français n'est pas une affaire de nationalité, c'est une question de citoyenneté.

Kathrin Ruchay
Affiche Kathrin Ruchay, photo Tessa Polak

Citoyen ? Le terme désigne entre autres les comportements des habitants dans un pays donné. La question que je voudrais poser, en l'occurrence, est celle-ci : qui considérons-nous comme citoyen en France, le citoyen français (la nationalité étant homologuée par une carte d'identité française) ou tout citoyen qui vit en France ? La France n'est certainement pas la France des Gaulois. On peut même dire que la France a été faite, en partie, et tout au long de son histoire, par les étrangers, y compris les envahisseurs qui ont fini par devenir Français : les Francs, les Normands, les Maures, etc., et plus récemment par l'immigration polonaise, italienne, puis maghrébine, espagnole, portugaise, africaine, asiatique. Ces immigrations ont amené, chaque fois, de forts contingents de population qui se sont installés en France. Ce que je retiendrai, pour ma part, c'est ceci : les immigrés méritent d'être Français, moins parce qu'ils veulent ou se résignent à s'intégrer à la population locale, renonçant à leurs particularités, que par le fait qu'ils apportent à ceux qui les ont précédés sur ce bout de l'Europe, leurs différences, une richesse sans pareil. Une richesse qui pourrait aujourd'hui, par l'exercice de la plus large citoyenneté, construire cette unité des différences qui caractérise la France, si on veut bien sortir de cette imposture d'une « France de nature » qui n'a jamais existé. Pour moi, le « devenir citoyen » ne peut se poser que dans cette logique : on est Français qu'à le devenir, et ceci vaut autant pour les Français de souche que pour ceux qui nous rejoignent pour devenir ensemble un jour des citoyens dans le monde. Qu'est-ce que c'est ça : un Français qui refuse l'étranger ? Le refus de l'étranger c'est le maintien d'un droit du même acabit que le droit d'aînesse. C'est non seulement le refus que la France se renouvelle, pire, c'est le refus de son Histoire. Plus encore, c'est la réduire à une image sinistre d'elle-même, toute ratatinée, repliée dans sa peur du futur, c'est la haine du devenir, de la jeunesse. C'est la France des franchouillards, des idées reçues, des rêvasseries maussades, le contraire d'une France à faire. C'est pourquoi nous considérons les immigres quelle que soit leur nationalité - se voulant ou se refusant Français - comme des « citoyens en France » expression que je préfère, oh, combien !, à « citoyen français », dans la mesure où elle nous donne à voir les différences à l'œuvre dans une « unité nation » qui ne rejette personne.

Marc'O


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Les périphériques vous parlent, dernière mise à jour le 23 avril 03 par TMTM
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